Monsieur le Maire, messieurs les lotisseurs, les
agriculteurs et les responsables des Ponts et Chaussées ; au soir du 6
juin 2018, Nanteuil-le-Haudouin s’est endormie dans la révolte, victime
d’un cauchemar dont on sait qu’il arrivera un jour mais dont on espère qu’il
réveillera le voisin. La tempête, qui n’arrive que tous les dix ans, a touché
notre ville de plein fouet et causé un maximum de dégâts. Il faut d’abord
rendre hommage à notre maire pour la mobilisation des services municipaux, des
pompiers, des policiers, des gendarmes, des élus et des nombreux volontaires
qui ont travaillé une partie de la nuit et la journée entière du lendemain pour
sécuriser et parer au plus urgent.
Toutefois, un tel accident était prévisible et il se
reproduira inéluctablement si les erreurs qui en sont la cause ne sont pas
identifiées et si chacun des responsables ne prend pas la part qui lui incombe.
Les raisons de l’ampleur de la catastrophe sont claires mais elles sont
multiples et rien n’aura servi si aujourd’hui ne marque pas le début
d’une indispensable période de réflexion afin que plus jamais pareil cataclysme
ne se reproduise. En un quart de siècle, un urbanisme débridé a transformé un
petit village de 1800 habitants en une ville de plus de quatre mille habitants entourée
d’une zone industrielle démesurée. Les lotissements poussent comme des
champignons pour le seul bénéfice des propriétaires terriens et des lotisseurs
qui plient bagage aussitôt accompli leur « forfait » sans que rien ne
soit fait pour protéger les populations. Les agriculteurs ont délibérément
sacrifié les garennes au profit d’un labourage intensif dont on sait depuis
longtemps qu’il est écologiquement désastreux. Les services des Ponts et Chaussées ont négligé les fossés et laissé sur place le bitume de vieilles
routes abandonnées. Le petit village d’antan blotti autour des sources de la
Nonette s’est transformé en une vaste baignoire dont on ne maîtrise pas les
robinets ni le système de vidange. L’accident du 6 juin 2018 était prévisible,
il s’était déjà produit – avec une violence moindre - jour pour jour à la même
date voici quelques années.
Chaque
Nanteuillais, en contemplant les arbres abattus, les caves inondées, les
trottoirs arrachés et les rues emplies de boue, maudit le maire qui n’aurait
rien vu venir. Pourtant il faut savoir raison garder et il n’est pas juste de
lui faire endosser les erreurs du passé ; d’autres l'ont précédé,
d’autres lui succéderont et chacun a apporté sa part d’aveuglement ou de
négligence ou de cupidité. Mais c’est vous, aujourd’hui, monsieur Sellier, qui êtes le premier
magistrat de notre ville et c’est vous qui aurez à répondre des mesures qu’il
faut prendre avec les services concernés pour éviter la répétition de nouveaux
drames.
- La multiplication des zones résidentielles, l’extension démesurée de la zone industrielle, l’imperméabilisation des sols et l’absence de plantation d’arbres augmente mathématiquement les risques d’inondation.
- Vous venez d’autoriser la création d’une deuxième zone commerciale et de son gigantesque parking situé dans un thalweg.
- La creation d’un nouveau groupe scolaire à côté du précédent dans une zone inondable et marécageuse, plantée d’arbres mal enracinés, est une grosse erreur et met en péril la sécurité des enfants.
- Les coulées de boue ont hier dévasté les quartiers nord de la ville ; voici quinze ans, elles avaient envahi le quartier du Moulin Ferry, la prochaine fois ce sera le cimetière, l’Hôtel-Dieu ou la Croix de Paris si des mesures élémentaires et peu coûteuses ne sont pas prises, parmi lesquelles la plantation de barrières arbustives, le creusement et l’entretien des fossés, l’entretien des bassins de rétention qui sont régulièrement engorgés et qui ont fait hier preuve de leur inefficacité.
Vous venez de faire modifier le PLU et vous venez de le
soumettre à la désapprobation des citoyens. Ces modifications que vous avez
soumises à l’enquête publique visent toutes à densifier les constructions, à
augmenter les risques de ruissellement et à désocialiser notre ville qui prend
d’année en année l’aspect d’une ville champignon. Ces modifications ne vont pas
dans le bon sens, elles ne font qu’aggraver les erreurs du passé. Transformer
trois fermes en trois résidences surpeuplées ne fera qu’aggraver les risques
sans aucun profit pour les Nanteuillais qui savent aujourd’hui qu’ils vivent
dans une zone dangereuse.
Le rôle de maire n’est pas enviable dans une telle
circonstance. Vous n’avez pas la main sur les fonctionnaires des Ponts et
Chaussées et vous ne pouvez pas les contraindre à travailler correctement; vous n’avez pas la main sur les agriculteurs pour les obliger à replanter des
garennes. Par contre, vous êtes responsable des mauvais conseillers dont vous
vous entourez et vous seriez responsable de poursuivre une politique
d’urbanisme inadéquate et dangereuse, vous seriez responsable du prochain
accident si vous ne réunissiez pas d’urgence, à la mairie ou à la préfecture,
une cellule de crise pour analyser l’accident et imposer à un échelon qui vous
dépasse, la prise en compte des responsabilités.
Encore que vous n’en soyez pas
entièrement responsable, il va falloir consacrer les dernières années de votre
mandat à réparer les dégâts et à proposer un plan ambitieux de protection de
notre ville et de ses habitants. C’est pour cela qu’ils vous ont élu et qu’ils
continueront à vous faire confiance.
PS : Les maires de
commune comme les présidents de communauté de communes sont confrontés à des
problèmes d’urbanisme auxquels ils ne sont nullement préparés et c’est dans une
certaine ignorance qu’ils sont incités à prendre des décisions inopportunes. Ne
serait-il pas rassurant d’exiger des candidats aux élections un stage de
formation à l’issue duquel ils se verraient attribuer un Certificat d’Aptitude
Professionnelle.